Les aidants : mieux les voir pour moins les aider !

Ou comment le combat pour la reconnaissance des aidants a été détourné

Rappelez-vous : c’était il y a très peu de temps, à peine plus d’une dizaine d’années.

Le mot “aidant” faisait une timide apparition, et seules quelques personnes, quelques associations, encore assez isolées, lançait cet important combat : la reconnaissance (que ce nouveau mot symbolisait) de ces millions de personnes (entre 8 et 11 selon les études) qui aident, au quotidien (et souvent au quotidien d’un 24 heures sur 24), un proche en situation de besoin d’aide (lié à un handicap, une maladie chronique, etc.).

[Article publié en 2017]

En dix ans, du point de vue de la visibilité, le combat est gagné : plus un plan gouvernemental, plus une étude de l’insee, plus un livre sur le handicap ou la “dépendance” (le mot âgiste pour “handicap”), plus une campagne de pub de société d’assurances, sans que “les aidants” soient évoqués, cités, remerciés, voire encensés – chez les politiques, on paye d’autant plus en (grands) mots ((On pourrait aussi écrire “en monnaie de singe”, surtout quand on connaît l’origine de l’expression : le droit accordé par Saint Louis aux montreurs de singes de payer en grimaces ou en tours de passe-passe le péage…)) qu’on sous-dote en espèces sonnantes et trébuchantes…

Mais…

Mais la meilleure visibilité des aidants ne doit pas nous leurrer : ils ne sont pas plus aidés qu’avant.

Au contraire, même.

Oui, au contraire. Qu’est-on en effet en train de constater : que de plus en plus de plans d’aides (pour l’APA, par exemple) prennent en considération les activités de l’aidant, non pour lui proposer de le soutenir pour les mener (encore moins pour lui proposer de réduire son temps d’aide !), mais pour les déduire des aides apportées (en argent ou en heures) à la personne en situation de handicap !

Si l’on continue ainsi, après s’être battu pour que les aidants disent ce qu’ils font afin d’être reconnus et soutenus, on leur conseillera de mentir, de s’affirmer absents, afin que leur proche puisse continuer à être financièrement et professionnellement aidé.

Quant aux aidants qui mettent le doigt dans des offres de “formations pour les aidants”, qu’ils se méfient. Les former, leur donner les compétences de certains professionnels, est le Cheval de Troie de l’étape suivante, qui consistera à pouvoir du coup priver leur proche de l’accès à ces professionnels.

Les personnes aidées, une fois de plus, étant les grandes lésées de ce détournement de reconnaissance. Qui illustre une fois de plus le principe Shadok – devise officieuse de notre Gouvernement :

aidants shadoks...

J. Pellissier.

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