Laurence Parisot (Medef), les caissières et les jeunes

Cette semaine, ce journaliste du Nouvel Observateur parlant d’Anna Sam, caissière de supermarché, et précisant après avoir indiqué qu’elle a un DEA en littérature : “On peut être caissière et intelligente”.

Ce qui montre qu’on peut être journaliste au Nouvel Observateur et particulièrement abruti.

Passons.

Mais restons avec nos caissières qui furent également confrontées cette semaine à Laurence Parisot, la présidente du Mouvement des entreprises de France (Medef).

Interrogée sur France Inter, le 11 mars 2008, Laurence Parisot a justifié les salaires très bas des caissières d’hypermarchés — et ceux, beaucoup plus élevés, des propriétaires d’enseignes de grande distribution — en invoquant la concurrence internationale et la rémunération de l’« audace » et du « talent » (voir la transcription intégrale de l’émission sur le site du Monde Diplomatique ).

C’est à la fin de l’entretien qu’on atteint des sommets : après avoir expliqué qu’il fallait être très gentil avec les grands patrons car sinon nous courrions le risque “de faire partir [ailleurs] les plus grands talents que nous avons dans notre pays”, Laurence Parisot se fait lyrique :

“Et moi, je voudrais surtout dire à tous les jeunes qui nous écoutent, qu’on peut devenir un grand patron, on peut devenir quelqu’un qui crée de la valeur, qui est un entrepreneur et qui entraîne avec soi beaucoup de gens dans une aventure : il faut bosser, il faut faire des études, il faut être audacieux aussi.”

C’est beau comme l’antique. Après les mythes du footballeur millionnaire et du mannequin millionnaire, voilà le mythe du Grand Patron, de l’Entrepreneur audacieux comme horizon de vie pour “les jeunes”.

Ah, les jeunes. Ah, toutes ces troupes de jeunes qui jadis faisaient de bons soldats et aujourd’hui font de si bons consommateurs. De si beaux troupeaux pour le Grand Supermarché libéral.

Ces jeunes, pas étonnant que les aiment les champignons qui, comme l’INED en 1989, affirmaient que “certains ressorts qui animent l’esprit d’entreprise […] se trouvent émoussés avec l’âge” (XVIIIe rapport au Parlement sur la situation démographique).

De guerre militaire en guerre économique, peu a changé de ce côté : les jeunes restent pour les Champignons Gradés les meilleures recrues à envoyer au front.

Un front où Laurence Parisot peut être tranquille. Ses jeunes y trouveront des Caporaux à la mesure du massacre à venir.

Des Michel Godet, par exemple :
« Pour investir et consommer, il faut avoir confiance en l’avenir et besoin de s’équiper, autant de caractéristiques qui, malheureusement, déclinent avec l’âge. » ( Le Choc de 2006 . Odile Jacob, 2003).

Et l’on pense au Petit Prince :

” Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi. Il n’a jamais respiré une fleur. Il n’a jamais regardé une étoile. Il n’a jamais aimé personne. Il n’a jamais rien fait d’autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi : “Je suis un homme sérieux ! Je suis un homme sérieux !” et ça le fait gonfler d’orgueil. Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon ! “

Et l’on pense du coup, au bord des larmes, à ce monde où “les jeunes” ont plus de probabilité d’entendre les appels de Parisot que ceux de Saint-Exupéry.

Jérôme Pellissier – Article publié en 2008.

Le Petit Prince
Ce contenu a été publié dans Société, avec comme mot(s)-clé(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.