Au sujet du déremboursement des médicaments dits “anti-Alzheimer”

Quelques mots sur la décision de ne plus rembourser les médicaments dits « anti-Alzheimer », prise en 2018.

Sur les médicaments eux-mêmes, il n’y a pas tellement de chats à fouetter dans cette affaire. Ces médicaments « anti-alzheimer » sont à peu près aussi efficaces pour empêcher les syndromes démentiels que les cosmétiques « anti-âge » le sont pour nous empêcher de vieillir.

La HAS (Haute Autorité de santé) et l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) le disent depuis des années, études à l’appui – et s’il est une chose qu’on ne peut reprocher à ces NHI (Nobles et Hautes Institutions), c’est d’avoir l’habitude d’agir contre les intérêts des FPA (Fabricants des Poisons et Antidotes, dits aussi entreprises agro-chimiques, tels Bayer, dont la subtile spécialité consiste à faire entrer dans nos corps par une alimentation empoisonnée les substances qui nous rendront ultérieurement malades et avides des médicaments-antidotes censés alors les soigner. Mais passons.)

Sans compter les très nombreux effets indésirables de ces médicaments. Bref, sur cette question du bénéfice / risque, l’affaire est entendue. La revue Prescrire, indépendante, et des FPA et du Ministère de la Santé, l’écrit d’ailleurs en vain depuis des années. On peut même apprécier au passage l’efficacité du lobby de ces FPA qui ont réussi à faire autant prescrire pendant aussi longtemps des médicaments aussi inefficaces et dangereux.

Alors, quels arguments pour ceux qui contestent cette décision ?

Prenons ceux donnés par France Alzheimer, qui juge cette décision « regrettable, infondée, inadaptée ».

Ils sont au nombre de trois.

1- Contrairement aux dires de l’ANSM et de la HAS (et d’autres équivalents en Europe, tel le National Institute for Clinical Excellence (NICE) britannique), ces médicaments « réduiraient nettement les symptômes » et seraient « bénéfiques ».

Preuve : “plusieurs études appuyées par l’expertise de neurologues et les témoignages de nombreuses familles ».

Souci : France Alzheimer ne cite pas ces études. Ne cite pas non plus ces neurologues beaucoup plus compétents que ceux qui ont piloté les études sur lesquelles se sont appuyés l’ANSM et Cie.

Quant aux « témoignages de nombreuses familles », désolé, mais on les trouve aussi pour tous les placebos quotidiennement prescrits par les médecins d’ici et d’ailleurs.

2- Le reste à charge, estimé à environ 1200 euros par mois par France Alzheimer, va ainsi augmenter d’environ 30 euros mensuels. Ce qui va « entraîner une iniquité entre les familles les plus aisées et les plus démunies ».

Sauf que l’iniquité existe depuis toujours : vu ce reste à charge en effet, vu l’absence de dispositifs adaptés pour les personnes malades à domicile, etc., seules sont aujourd’hui correctement accompagnées les personnes malades qui ont les moyens de dépenser plusieurs milliers d’euros par mois. Ce n’est donc certainement pas ces 30 euros mensuels qui vont créer une inégalité qui existe déjà de manière criante depuis des décennies.

3- Et nous arrivons enfin au coeur du sujet : « Au-delà de la question de l’efficacité, la prescription des médicaments participait, en effet, grandement à maintenir un lien thérapeutique entre le médecin et le patient. » Voici en effet l’argument principal, et ce depuis des années, de qui plaide pour le remboursement.

Un argument à la fois tout à fait pertinent : certaines familles ne vont voir le médecin que pour qu’il prescrive ces médicaments / certains médecins ne vont voir le patient que pour lui prescrire ce médicament (et certains médecins prescrivent ces médicaments sans même voir le patient, signant en 10 minutes de présence dans l’EHPAD la dizaine d’ordonnances demandées… dix actes… mais passons… c’est un autre sujet et il y a des pourris partout).

Un argument absolument désolant : parce qu’il nous parle en effet de la pauvreté de la relation médecin/malade (et/ou proches), souvent réduite à cet acte. De la pauvreté de la vision de ces malades pour qui un médecin est juste une machine à prescrire. De la pauvreté de la pratique de ces médecins pour qui un médecin est juste une machine à prescrire.

Un argument un peu naïf aussi : croit-on vraiment que nombreuses sont les relations médecin-malade qui, grâce au maintien du “lien médicamenteux”, arrivent à réellement faire d’autres choses durant la consultation que du renouvellement d’ordonnances ? Croit-on vraiment que les médecins qui parviennent à établir une autre relation que médicamenteuse ne peuvent le faire en se passant du médicament ?

Un argument discutable enfin : qui a travaillé sérieusement sur le fait que le maintien des liens médecin-malade grâce à ces médicaments est supérieur aux effets secondaires indésirables, nombreux, de ces médicaments ?

J’irais même jusqu’à juger scientifiquement et humainement douteux de promouvoir la prise d’un médicament souvent dangereux au seul prétexte que l’espoir qu’il maintient chez certaines personnes les fait revenir voir leur médecin pour le renouvellement de l’ordonnance.

Si vraiment des médecins ne parviennent pas à expliquer que l’essentiel du prendre-soin des personnes qui présentent des syndromes démentiels se passe à d’autres niveaux que médicamenteux, si vraiment ils jugent le lien avec certaines personnes/familles si fragile que seules des pilules l’évitent de rompre, alors qu’ils fassent preuve d’un peu d’imagination ! : les pharmacies sont pleines de placebos peu chers et n’ayant pas les effets secondaires avérés des médicaments dits « anti-Alzheimer ».

Un dernier point : A l’appui de sa position, France Alzheimer indique enfin : « Cette décision remet aussi en cause le travail des professionnels de santé, des neurologues, des médecins qui, depuis plusieurs années, prescrivaient ces médicaments à leurs patients, conscients des bienfaits sur ces derniers ».

Là, de deux choses l’une : soit cette décision est en effet infondée, et c’est alors le travail de tous ces professionnels qui la remet légitimement en cause ! – et ils doivent rapidement mettre toute leur expertise dans la balance pour qu’elle soit ré-examinée par la HAS et Cie…

Soit elle est fondée, et elle dit en effet indirectement que tout un tas de professionnels se sont trompés dans leurs observations (pas de bénéfices, ou pas dus aux médicaments) ou ont prescrit ces médicaments de façon automatique sans se questionner sur leurs effets. Et voilà bien une réalité qu’il semble difficile de nier.

J. Pellissier – Article publié en 2018.


Ajout juin 2019 : on lira avec intérêt sur le sujet l’article publié par Basta mag sur les médicaments anti-alzheimer : https://www.bastamag.net/maladie-Alzheimer-medicaments-prescriptions-neurologie-effets-secondaires ?var_mode=calcul

Médicaments dits anti Alzheimer


Post-scriptum :

  • Dans l’actualité liée à la maladie d’Alzheimer, la parution récente d’un ouvrage intitulé Alzheimer le grand leurre. Qui pose les mêmes (importantes) questions, mais y répond beaucoup moins, que le livre de Peter Whitehouse Le mythe de la Maladie d’Alzheimer, paru chez Solal il y a quelques années, et dont on trouvera une note de lecture ici…  
  • Je précise pour éviter tout malentendu : qu’une décision soit bonne ne signifie aucunement qu’elle a été prise pour de bonnes raisons ! Rien dans la politique de l’actuel Gouvernement ne permet de penser une seule seconde que le souci des personnes malades entre en considération dans ses décisions. L’absence de toute politique concrète pour combler, ne serait-ce qu’un peu, les énormes carences et pénuries de tout le système de prendre-soin et d’accompagnement des personnes âgées handicapées et des personnes présentant un syndrome démentiel, permet même de penser que ce souci est systématiquement sacrifié à d’autres objectifs.
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