Et bien ça dépend lequel…
Au sujet de la valeur de la vie humaine.
Fernand Martin, économiste, professeur au Département d’économie de l’université de Montréal, est actuellement chargé par le ministère des transports de réfléchir aux « méthodes employées pour justifier la réfection de routes où se produisent des accidents graves. Comme ces coûts dépendent des vies humaines perdues et des blessures, il faut forcément connaître la valeur économique de la vie. »
L’économiste pose en effet la question : « Est-ce rentable d’effectuer des travaux qui coûtent à la société des millions de dollars et qui permettent d’épargner seulement une ou deux vies par année ? Cela dépend de la valeur économique des individus qu’on peut potentiellement sauver. »
Le prix de la vie d’un être humain varie fortement : d’environ 30 000 euros pour un « vieillard inactif » à plus de 50 millions d’euros pour un « chef d’entreprise et père de famille ».
« Même si l’idée d’attribuer une valeur économique à la vie humaine peut paraître inacceptable d’un point de vue moral, cela se fait quotidiennement dans l’élaboration de politiques de santé, de population et de transport », affirme Fernand Martin, qui précise : « L’évaluation du prix de la vie humaine est une composante essentielle du calcul de la rentabilité économique des investissements publics. »
La vie du “vieillard inactif” étant de plus en plus à la baisse à la bourse des libéralismes, des questions de choix commencent à être posées.
Deux exemples :
1/ Jean Marmot, ex-vice-président de l’Assistance-Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) :
« Il y aura des choix éthiques et délicats à faire. Par exemple, est-ce que l’on va imposer des cotisations écrasantes aux actifs pour rembourser un médicament qui va stabiliser les facultés mentales des vieillards atteints de la maladie d’Alzheimer ? [1] »
[Il faut dire que les responsables de l’AP-HP semblent se faire une spécialité de ce genre de visions et de programmes… Voir cet article au sujet de Martin Hirsch.]
2/ Rapporté par Frank Schirrmacher (Le Réveil de Mathusalem ; Robert Laffont, 2006), ces propos du ministre américain de la santé dans le Washington Post. Constatant qu’« entre 70 et 90 % des prélèvements d’assurance maladie servent à financer les derniers mois de la vie » et puisqu’« un Américain atteint d’un cancer coûte environ 30 000 dollars dans la dernière année de sa vie ; [que] 33 % de cette somme sont dépensés dans le dernier mois de son existence […], débrancher les appareils quinze jours plus tôt dans les services de soins intensifs rétablirait l’équilibre financier de tout le système de santé ».
Jérôme Pellissier – Article publié en 2011.
[1] Quotidien du médecin, 11 juillet 1996. Cité par Jean-Paul Domin, « Politique de santé et respects des principes de l’éthique médicale. » In Philippe Batifoulier et Maryse Gadreau (dir.), Politique de santé et éthique médicale, Économica, 2006.