Incontinence & indifférence & incompétence…

Un rapport qui pointe également une criante inégalité entre femmes et hommes.

Un rapport, dirigé par François Haab, vient d’être remis au Ministre de la santé sur un sujet dont on parle peu bien qu’il concerne plus de 3 millions de personnes en France : celui de l’incontinence urinaire.

Un rapport instructif, qui pointe entre autres :
- L’insuffisance des mesures éducatives ou préventives
- Le manque de visibilité des professionnels de santé formés à cette prise en charge
- Le manque de données épidémiologiques longitudinales
- L’absence de prise en charge de certains traitements médicamenteux

Un rapport qui, entre les lignes, révèle un grand gâchis dans la manière dont de nombreuses situations se sclérosent faute d’être dites, diagnostiquées, prises en charge…

Un rapport qui parle également, et clairement, de la pauvreté de l’enseignement que les futurs médecins, durant leurs études, reçoivent sur cette question : au mieux une heure d’enseignement… (J’entends déjà les mauvaises langues dire qu’il est malheureusement assez dans la logique du système que des “histoires de pisseuses”, concernant surtout les généralistes, ne soient qu’à peine évoquées dans ces Nobles Institutions Universitaires…)

Un rapport synthétique, qui ne peut donc prendre le temps de consacrer beaucoup de place au domaine gérontologique.

Du coup, peu est dit sur, comment les qualifier, disons… les “incontinences nosocomiales”.

Parmi lesquelles on pourrait même faire des distinctions :

1/ Les “Incontinences par Manque de Personnel”, par exemple – ces établissements ou étages où le rapport nombre de personnes qu’il faut pouvoir aider à se rendre aux toilettes / nombre de personnels pour le faire est tel que beaucoup de personne ne sont pas aidées pour se rendre aux toilettes quand elles le demandent.

Résultat : des personnes continentes auxquelles on met des protections ; des personnes que l’on laisse plusieurs heures sur les toilettes ; etc. En bref, des personnes continentes qui en quelques jours ou en quelques semaines deviennent incontinentes.

Incontinences nosocomiales : un certain nombre d’ehpad, un certain nombre d’hôpitaux, aujourd’hui, fabriquent de l’incontinence.

2/ Les “Incontinences par Incompétence(s)” : car il est des endroits où les personnels sont suffisamment nombreux mais où, par absence de sens, par habitude, par négligence, par bêtise, par ignorance, par maltraitance, on met quand même des protections aux personnes continentes, on laisse quand même des personnes plusieurs heures sur les toilettes, etc.

Des soignants fabriquent ainsi des incontinences et détruisent ainsi la santé de vieilles personnes.

Mais revenons au rapport de François Haab.

On y découvre une étonnante inégalité hommes-femmes concernant le financement et la prise en charge de l’incontinence, ou plutôt des produits palliatifs.

Citation(s) :

“6.4 Les palliatifs

Il existe deux grandes catégories de produits palliatifs actuellement distribués en France :

Les produits non absorbants pour incontinence dont les principaux sont les étuis péniens, sondes vésicales d’autosondage et poches collectrices. Ces produits sont classés comme dispositifs médicaux marqués CE, leur taux de TVA est de 5,5%. (…)

Chez l’homme, les étuis péniens qui sont adaptés à la prise en charge des incontinences moyennes à sévères sont actuellement partiellement ou totalement remboursés par l’assurance maladie et les systèmes assurantiels complémentaires santé. (…)

Les produits absorbants communément appelés « protections » ou « couches » pour adulte. Ces produits ne disposent pas de marquage CE et ne sont pas classés comme dispositifs médicaux. Le taux de TVA de ces produits est actuellement de 19,6%. Cette deuxième catégorie dispose d’un nombre important de références et couvre l’ensemble des types d’incontinence et de mobilité des patients. Elle intègre des produits absorbants à usage unique mais également des produits absorbants réutilisables et lavables.

Au sein de l’Union Européenne, le plupart des pays ont mis en place une procédure de couverture sociale permettant de ne pas laisser aux patients la charge financière des protections et solutions palliatives pour incontinence urinaire.

Contrairement à la majorité des pays européens, ces palliatifs absorbants ne sont pas remboursés en France par l’assurance maladie.

(Le rapport souligne que le coût de ces protections “capte” souvent jusqu’à 50 % du montant de l’APA… lequel est déjà nettement insuffisant – cf. à ce sujet, entre autres, cet extrait de La Guerre des âges)

Synthétiquement, donc : on rembourse les produits utilisés par les hommes, pas ceux utilisés par les femmes. Egalité…

Parmi les propositions du rapport :

” Nous proposons une prise en charge des solutions palliatives absorbantes pour les cas d’incontinence urinaire modérée à sévères. Cette prise en charge serait effectuée sur prescription médicale et après échec des solutions curatives. Une telle mesure, dont le coût direct peut être estimé à environ 200 millions d’euros sera en retour source d’économies liées à une meilleure prise en charge de ce handicap. (…)

Ce nouveau mode de prise en charge des protections absorbantes permettra d’améliorer la prise en charge de l’incontinence par plusieurs aspects :

- corriger une inégalité de « traitement » homme-femme, les étuis péniens adaptés exclusivement à l’incontinence masculine étant pris en charge

- mettre la France au niveau de la plupart des pays de l’Union européenne

- « médicaliser » les solutions palliatives et de ce fait plus impliquer les professionnels de santé tout mode d’exercices confondu dans le dépistage et la prise en compte de l’incontinence urinaire. (…)

[Le coût de cette mesure] devrait être compensé en grande partie par la baisse des coûts globaux directement liés à l’incontinence et notamment la mise en charge des infections urinaires, des pathologies cutanées périnéales ou encore des arrêts de travail générés par ce handicap lorsqu’il n’est pas reconnu et pris en charge. “

Comme l’indique le rapport, l’avantage de la prescription médicale serait également “d’éviter le recours trop systématique à l’utilisation de protections au détriment d’une enquête diagnostique. L’objectif est également de transférer cette prise en charge sur un budget de soins et d’éviter ainsi que l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) ne soit détournée de son objectif initial”.

Rapport sur le thème de l’incontinence urinaire
Ministère de la Santé et des Solidarités ; Avril 2007
Rapport remis à Monsieur Philippe BAS
Pr François HAAB – Université Paris VI, Hôpital Tenon, Paris

Accéder au rapport complet sur le site de la Documentation Française.

Jérôme Pellissier – Article publié en 2007.

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